Tchad : préserver les enfants du VIH/sida
N’Djaména – Depuis 15 ans, Judith Haltebaye exerce avec dévouement son métier de sage-femme dont sept au centre de santé Abena-Atetip, situé au centre de N’Djaména. Elle a déjà accompagné plusieurs centaines de femmes lors de leur grossesse et au-delà. Pour certaines, le suivi est très particulier comme c’est le cas de Menodjie*, âgée de 34 ans et vivant avec le VIH. « Menodjie est venue en consultation en janvier et nous avons découvert qu’elle vivait avec le VIH à travers les tests de routine. Elle attendait alors son deuxième enfant », explique Judith.
Au Tchad, environ 65 000 femmes âgées de plus de 15 ans vivaient avec le VIH 2023, selon le rapport le plus récent de l’ONUSIDA, qui a aussi noté un taux de prévalence du VIH de 1,3 % chez les femmes âgées de 15 à 49 ans. Pour lutter contre le virus, le gouvernement a lancé le Programme de prévention de la transmission du VIH de la mère-à l’enfant (PTME) en 2005, afin de protéger les enfants nés de mères séropositives de l’infection en trois étapes clés : pendant la grossesse, l’accouchement et l’allaitement.
De manière générale, les indicateurs de prise en charge du VIH chez la mère et l’enfant ont connu une amélioration au Tchad. Le taux de transmission du VIH de la mère à l’enfant est passé de 29 % en 2012 à 19 % en 2023. En 2023, selon la même source, 91 000 enfants exposés au VIH avaient été testés négatifs à la maladie, et 1300 nouvelles infections de bébés ont été évitées grâce aux initiatives découlant de la PTME. Ces chiffres s’élevaient respectivement à 82000 et 1100 en 2015.
« Nous sommes fiers de ces progrès », se réjouit le Dr Hassan Ndengar, point focal pour le suivi du VIH au district sud de N'Djaména. « La PTME sauve réellement des vies. Les enfants sont la force d'un pays et ils représentent la future génération. C’est pourquoi, nous devons investir en eux et s’occuper de leur santé. » Pour lui, tout commence par la prévention. « Nous savons que si nous dépistons les femmes en grossesse, nous parviendrons à réduire le taux de transmission et à partir de là, nous pourrons briser la chaîne de contamination et réduire la prévalence au sein de la population. »
La prise en charge des femmes en grossesse se situe au cœur même des activités de lutte contre le VIH/sida dans le pays. C’est pourquoi les sage-femmes font partie du personnel de première ligne, en plus des médecins et des paramédicaux, ayant bénéficié du renforcement de capacités avec l’appui technique et financier de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le soutien de l’OMS couvrait également l’élaboration des guides et des directives nationales, ainsi que le suivi/évaluation.
En collaboration avec le Programme sectoriel de lutte contre le VIH-sida, les hépatites et les infections sexuellement transmissibles, 750 personnels de santé ont été formés ces dernières années sur la prise en charge globale du VIH et des hépatites. « Nous avons appris que le test du VIH/sida est incontournable pour toutes les femmes qui viennent en consultation prénatale. Dès le premier contact, nous devons déjà les sensibiliser à être dépistées », relate Judith Haltebaye, sage-femme qui fait partie du personnel formé. Si le premier test se révèle positif, un test de confirmation est effectué, ensuite la femme dispose d’une prise en charge complète et gratuite à travers le counseling et les médicaments antirétroviraux (ARV).
Les ARV sauvent la vie et permettent aux personnes vivant avec le VIH d’envisager un avenir avec plus de sérénité. En 2023, 7700 femmes enceintes nécessitaient un traitement ARV, et 70 % d’entre elles en recevaient contre 64 % en 2022. Les soins fournis par l’équipe ont changé la vie de Menodjie et sauvé celle de son enfant. « Ces médicaments m’ont redonnée la force. Avant, je ne pouvais rien soulever, même pas une tasse tout près de moi. Par la suite l’accouchement s’est bien passé et ma fille est née sans le virus. »
Avec le succès de la PTME et les résultats enregistrés, notamment la majorité des enfants nés sans le VIH, les mentalités changent et la confiance est gagnée. « Nous avons reçu de nombreuses femmes séropositives qui s’engagent pour une autre grossesse car elles sont confiantes que leur bébé sera sain si elles suivent le protocole. Elles reviennent vers nous car elles ont été bien prises en charge. Grâce à la PTME, nous sauvons beaucoup de vies et j'en suis très fière », affirme Judith.
Venant en appui au gouvernement, l’OMS intervient dans la mobilisation de fonds, notamment à travers le Fonds Mondial, et soutient la mise à jour des normes et directives, le diagnostic et la gestion des données. L’Organisation œuvre également pour l’intégration de la lutte contre l'hépatite B et la syphilis en plus du VIH dans la PTME, dans les services de santé maternelle, néonatale et infantile.
« Ce programme, qui intègre trois maladies très dangereuses pour la mère et l’enfant, nous permettra d’améliorer la santé maternelle et infantile, réduisant ainsi le taux de mortalité chez la mère et l’enfant, de renforcer le système de santé et de protéger les droits humains », a déclaré la Dre Blanche Anya, Représentante de l’OMS au Tchad. « Cette approche est très importante car elle place le patient au cœur des interventions. Nous œuvrons à promouvoir la santé pour tous. »
Le Tchad a progressé vers l’atteinte des cibles 95-95-95 du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) en matière de dépistage, de traitement et de suppression de la charge virale du VIH. En 2023, le Tchad était situé respectivement à 71 % et 86 % concernant les personnes vivant avec le VIH qui connaissent leur statut et les PVVIH qui prennent un traitement ARV. En 2015, le pays était à 47 % et 70 % pour les deux premières cibles. Les données sur la troisième cible n’étaient pas disponibles.
A N’Djaména, quelques mois après la naissance de sa fille, Menodjie continue son traitement. Pour elle, la vie a repris un rythme normal qui lui fait presque oublier le virus avec lequel elle vit. « Je me sens bien aujourd’hui, et mes enfants aussi sont en bonne santé. Je me souviens encore du bonheur qui m’a envahie à l’annonce des résultats de ma fille. Savoir qu’elle est saine est une grande délivrance, que je souhaite à toutes les personnes vivant avec le VIH car toutes les mères au monde souhaitent le meilleur pour leur enfant. »
Chargée de communication
Bureau Régional de l'OMS pour l'Afrique
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